Alban Mannisi, architecte-paysagiste et critique du « capitalisme vert »

Publié le par AlainG

L'histoire d'un paysagiste "made in France" au pays du soleil levant, rapportée par le Moniteur.

 

Reportage réalisé par Hakim Bendaoud (portrait) et Carol Aplogan (interview vidéo) | 17/02/2011

 

Interview du paysagiste Alban Mannisi à Tokyo (Japon), par Carol Aplogan

Installé à Tokyo depuis 2008, et bien qu'il s'agisse de l'une des villes les plus denses du monde, Alban Mannisi nous explique depuis son agence, au Japon, pourquoi l'architecture paysagère ne doit pas céder aux pressions économiques et politiques.

© Carol Aplogan / Le Moniteur.fr
Alban Mannisi, paysagiste

Nantes, Bordeaux, Paris, puis Séoul, Singapour, Londres et maintenant, Tokyo. C'est dans le jardin familial, en région nantaise, à plusieurs milliers de kilomètres de son lieu de résidence actuel, qu'Alban Mannisi a expérimenté ce qui deviendra plus tard sa passion. Il avait alors seize ans et déjà l'envie de redéfinir l'espace qui séparait la maison familiale de ses voisins, autrement qu'en plantant des arbustes ou montant une clôture. « J'avais creusé plusieurs fossés afin de libérer le regard sans altérer le paysage », se souvient ce jeune homme de 34 ans aux allures de pierrot lunaire. Les voisins, eux, n'y ont rien compris. Mais qu'importe. Alban Mannisi sait ce qu'il fera quand il sera grand. Il sera « architecte-paysagiste ».

« L'industrie du paysage n'est pas mon métier »

Depuis 2008, c'est au pays du Soleil levant que celui qui a découvert le paysage en intégrant les Beaux-Arts exerce son métier, au sein de sa propre agence nommée Seiwooo (www.seiwooo.com). Après avoir vécu à Séoul et épousé une Coréenne, il a atterrit au Japon un peu par hasard. « Un architecte m'a contacté pour développer une plate-forme de planification paysagère. Je me suis dit, pourquoi pas ? » Le choc culturel aura bien lieu. Mais il proviendra davantage de l'approche économique en vigueur dans les agences que du pays lui-même. « Il faut se demander en quoi le paysage à besoin de nous comme nous avons besoin de lui. Je suis devenu indépendant pour ça. L'industrie du paysage, que l'on pourrait également appeler capitalisme vert, n'est pas mon métier. »
Le rapport qu'entretient Alban Mannisi avec la nature est autant physique qu'intellectuel. Et c'est sans doute ce qui explique son goût pour la recherche. Outre son métier d'architecte-paysagiste, Alban Mannisi conduit en son nom ou en collaboration des projets dans plus de treize pays. Depuis 2007, il publie également des articles en qualité de correspondant étranger pour la Chine au sein de la revue « International new Landscape », basée à Shanghai. Editeur, mais aussi passionné de photographie, ce boulimique de travail dirige et publie des ouvrages de prospection sur l'espace et la création au sein de sa maison d'édition ZzaC Book (www.zzac.info). Le réseau de chercheurs qu'il a contribué à monter couvre les cinq continents. Et lui-même est régulièrement amené à voyager pour présenter ses études : Italie en 2000 (Rome, Villa Médicis), Corée du sud en 2006 et 2008 (Séoul, Gallerie YouArtspace et KTHall), France en 2009 (Paris, Pavillon de l'Arsenal), Etats-Unis en 2010 (Reno, Gallerie Sheppard), etc.

« Oeuvrer pour des générations, des politiciens et une géographie qui n'existent pas encore »

« Ce qui prime chez Alban, c'est l'idée. Mais il n'est pas comme ces artistes détachés des questions matérielles », témoigne Philippe Nys, philosophe et maître de conférences à l'Université Paris VIII. Les deux hommes, qui se connaissent depuis dix ans travaillent régulièrement ensemble au sein du laboratoire de recherche Architecture-Milieu-Paysage (AMP), rattaché à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris-la-Villette. Philippe Nys, poursuit : « Alban aime aller vite. Parfois, il peut donner le sentiment d'être brouillon. Mais il sait parfaitement ce qu'il fait et où il va. »
Pour autant, comment ne pas se sentir réfréné lorsque l'on travaille à Tokyo, l'une des villes les plus denses du monde ? « La contrainte ne l'effraie pas. Et puis c'est un provocateur, s'amuse Philippe Nys. Au Japon, Alban est un étranger, ce qui est une chance, car cela lui permet de porter un regard neuf et différent sur les choses. » De toute façon, pour Alban Mannisi, que ce soit à Tokyo ou ailleurs dans le monde, la problématique est toujours la même : « Le travail du paysage, c'est œuvrer pour des générations, des politiciens et une géographie qui n'existent pas encore. Prenez les friches. A une époque, elles étaient importantes. Mais aujourd'hui, lorsque l'on demande aux plus jeunes comment nous en sommes arrivés là, ils ne savent pas ! En ce moment, je travaille sur le fondement de la philosophie politique des paysages. C'est une recherche purement théorique et c'est d'ailleurs pour cela que j'ai décidé de réintégrer des ateliers de recherche, comme AMP en France ou le Department of Value and Decision Science à l'Institut de technologie à Tokyo, au Japon. Avant de bâtir, il faut comprendre. C'est on ne peut plus d'actualité. »

 

22/02/2011

Publié dans Paysage

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Sur la colonisation sémiotique des enjeux paysagers par l'économie, il y a aussi un vieil article :<br /> Y. Rumpala, « Les ambiguïtés d’une intervention publique dans la préservation des paysages : retour sur les labels « Paysages de reconquête » », dans Natures Sciences Sociétés, vol. 6, n° 3,<br /> juillet-septembre 1998 (Une version est disponible sur le blog de l'auteur : http://yannickrumpala.files.wordpress.com/2008/11/rumpala-labels-paysages.pdf ).
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